jeudi 25 février 2016

Les "enfants rois" ou "tyrans"





Quelle type d’éducation pour éviter d’avoir un « enfant-roi » ou « enfant –tyran » ?
En France, on croit souvent que si on n’est pas autoritaire, alors on est forcément laxiste. On croit aussi que si on n’est pas autoritaire, notre enfant deviendra un « enfant-roi » ou un « enfant-tyran ». Est-ce vraiment le cas ? La réalité n’est pas si simple…

Une fois n’est pas coutume, je vais appuyer mes propos en citant un livre, celui de Catherine Gueguen Pour une enfance heureuse : repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau :
« Beaucoup de parents viennent consulter pour leur enfant sans réaliser que celui-ci les imite et a donc le même comportement qu’eux. En effet, quand les adultes sont rigides, fermés vis-à-vis de l’enfant, qu’ils ne l’écoutent pas, crient, lui donnent des ordres en permanence, lui font des reproches continuels, le menacent, lui disent des paroles blessantes, le tapent, alternent en permanence les embrassades et les humiliations, l’enfant adopte ces mêmes comportements. N’étant pas reconnu, il sera en quête de reconnaissance continuelle et « cherchera » ses parents : "Que suis-je donc pour mes parents ? Pourquoi me traitent-ils comme cela ? Me considèrent-ils ? M’aiment-ils ?" Il deviendra alors le fameux « enfant tyran » ou « enfant roi » provocateur, agressif et colérique ou au contraire l’enfant soumis, craintif, ou parfois même l’enfant qui recherche la souffrance. »

Le comportement autoritariste des parents est aussi du aux nombreux « conseils » qu’ils reçoivent autour d’eux, parfois même de la part de professionnels : « votre enfant vous fait marcher, il faut être plus ferme dès maintenant car s’il vous mène déjà par le bout du nez qu’est-ce que ça sera quand il sera plus grand ! », « s’il ne vous écoute pas, il ne faut pas laisser passer cette insolence, il faut sévir ! »… Les parents sont donc persuader que dès le plus jeune âge, ils doivent punir leur enfant qui ne leur obéit pas. J’ai récemment lu sur Internet une maman se venter de punir son bébé de 10 mois dans le parc parce qu’il touche aux câbles ! Les parents ne savent pas qu’à 10 mois, un enfant n’est pas capable de comprendre une règle ni un interdit ! Ca ne leur vient pas à l’idée d’adapter leur maison à leur enfant ! Non, c’est l’enfant qui doit obéir dès sa naissance et un point c’est tout ! L’enfant doit faire ses nuits dès sa naissance, l’enfant doit savoir marcher à 10 mois, l’enfant doit être propre à 12 mois, l’enfant doit obéir à ses parents… L’enfant ne doit pas être un enfant finalement…Autant il est vrai qu’avant on ne savait pas comment fonctionnait le cerveau, notamment celui des enfants, autant maintenant, grâce aux IRM fonctionnels, les neurosciences ont fait beaucoup de découvertes et on connaît mieux le fonctionnement du cerveau des enfants (on sait notamment qu’il est immature jusqu’à 25 ans !) et les stades de développement des enfants.

Plus loin dans ce livre, Catherine Gueguen écrit aussi :
« L’image d’ « enfant tyran » inverse les responsabilités. Elle place l’enfant en position de bourreau et met l’adulte en position de victime. Dans la relation adulte-enfant, qui a la place dominante ? Qui est le plus fragile ? Lequel des deux tyrannise l’autre, le parent ou l’enfant ? Le rapport adulte-enfant est inégalitaire physiquement et moralement, l’adulte dominant l’enfant par sa force physique mais aussi par son emprise morale, psychologique, intellectuelle. Cette image de l’ « enfant tyran », ce danger brandi en avant d’un enfant dominateur est un non-sens car c’est bien l’adulte qui a tous les instruments du pouvoir et qui trop souvent en use facilement ou abusivement pour soumettre l’enfant, le rendre obéissant, l’obliger à faire comme l’adulte veut et quand il le veut.
Cette conception de l’ « enfant tyran » ne peut plus tenir au regard des connaissances actuelles sur l’immaturité, la fragilité et la vulnérabilité du cerveau dans la petite enfance. »

Vous allez me dire que les enfants tyrans, ça existe bel et bien, il n’y a qu’à regarder « Super Nanny » pour en avoir la preuve. Oui, mais encore une fois, quand on regarde cette émission, on s’aperçoit que les parents n’arrivent pas à faire respecter les règles à leurs enfants et surtout qu’ils font preuve d’une très grande violence : physique (tirer les enfants par le bras), morale et psychologique (ils crient, s’énervent, insultent leurs enfants !). Donc, ça revient bien à ce que dit Catherine Gueguen plus haut : les parents crient, insultent, frappent… et les enfants imitent ! Au lieu de parler d’ « enfants tyrans », on devrait peut être parler de « parents dépassés » (je préfère ce terme à celui de « parents tyrans » qui est culpabilisant et jugeant car ce n’est pas le but de ce blog). Il est vrai qu’on n’apprend pas à l’école comment éduquer des enfants et c’est bien dommage car ce n’est pas si facile.

Je vous donne deux exemples d’ « enfants tyrans » qu’on peut trouver toujours dans le livre de Catherine Gueguen :
« La mère de Léo, 4 ans, me dit « Je ne comprends pas, Léo crie pour un rien. Il me commande, me dit que je suis méchante. A l’école, il ne se conduit pas bien avec ses camarades, il est violent. Pourtant je lui répète sans arrêt qu’il faut être sage, bien se comporter, parler poliment, ne pas crier, ne pas taper. J’ai l’impression qu’il fait le sourd et qu’il ne veut pas m’entendre. »
Je lui demande alors de me décrire l’ambiance qui règne à la maison. « Oui, c’est vrai, on crie et on s’énerve beaucoup avec lui, parfois il reçoit une tape, il est puni, mais il le mérite bien ! »
Léo, lui, ne comprend pas. Sa mère crie, tape, et lui quand il l’imite, sa maîtresse et même sa mère lui disent : « Il ne faut pas crier, il ne faut pas taper. » Et Léo se dit : « Pour les adultes c’est bien et pour moi c’est mal ! Il ne faut donc pas imiter les adultes ? Que faut-il faire alors ? »
Beaucoup d’adultes mettent du temps à réaliser que leur attitude joue un rôle fondamental sur le développement de leur enfant. Si l’enfant n’a pas autour de lui des adultes respectueux et cohérents, son développement affectif et social risque d’être perturbé ».
« Les parents de Victor ont toujours puni leur enfant lorsqu’il faisait des « caprices ». Depuis l’âge de 18 mois, Victor a subi chantages, cris, menaces, fessées. Il a été enfermé dans sa chambre, mis sous la douche d’eau froide « pour le calmer », privé de ses dessins animés préférés.
Victor a maintenant 4 ans et les parents viennent me voir désemparés car Victor devient de plus en plus agressif avec eux. Il répond, crie, tape à la maison et à la maternelle. La maîtresse a convoqué les parents et leur a demandé de consulter car Victor est agressif, frappe les autres enfants, casse les jouets.
Victor depuis tout petit a toujours été puni quand il pleurait. On lui interdisait de pleurer. Ses parents n’ont pas essayé de comprendre quels étaient ses émotions, ses sentiments quand il pleurait. Il a entendu : « Ce n’est pas bien de pleurer, de faire des caprices. Un garçon, c’est fort, ça ne pleure pas ! »
Il a donc enfoui ses chagrins, ses envies, ses émotions. Il a appris à ne pas tenir compte de ce que lui ou les autres ressentent. Il n’a pas développé d’empathie ni pour lui-même ni pour les autres. C’est un vrai bulldozer. Les enfants le fuient. Il est souvent seul dans la cour de récréation. De ses parents, il a retenu que les problèmes se résolvent en criant et en tapant. Il fait donc la même chose et il ne comprend pas du tout quand on lui dit : « Ce n’est pas bien de taper, il faut être gentil. » Victor n’a vécu que des rapports de force, il agit de même avec les autres."

Pour aller plus loin, voici quelques livres :
Pour une enfance heureuse : repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau et Vivre heureux avec son enfant de Catherine Gueguen
AU COEUR DES EMOTIONS DE L'ENFANT d'Isabelle Filliozat (pour mieux comprendre les émotions des enfants et l'importance de les accepter et de les accueillir).
Le mythe de l'enfant roi de Laurent Ott pour un autre regard sur ces enfants

8 commentaires:

  1. Deuxième article que je lis, deux coups de coeurs !
    Ecriture claire qui permets de bien comprendre les idées, des références juste (et qui permettes d'approfondir) merci pour ce blog !!! Je garde un oeil dessus !

    RépondreSupprimer
  2. Super l'article !! quel bien cela nous fait du bien !! car nos enfants méritent d'être traités comme nous osuhaiterions l'être avec amour, bienveillance, encouragement et écoute !! en revanche une chose me pince !! ma fille de 27 mois a des crises de coleres et il lui arrive de vouloir nous frapper !! et pourtant elle n'a jamais été tapé, ni meme puni enfin il y a longtemps 2 fois au coin avant que je ne m'investisse encore plus dans la bienveillance donc je ne comprends !! je lui explique souvent tt !! je ne la crie pas souvent quelques derapages du a la fatigue et la sensation d'etre depassé !! a quoi cela est du ??

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour votre message. Tous les enfants tapent quand ils sont petits. Certains arrêtent très vite après une réflexion de notre part, pour d'autres ça prend plus de temps. Mon fils aussi tapait et a arrêté à 2.5 ans. J'ai écrit un article où je parle de cela et des outils à essayer (et qui ont fonctionné avec mon fils) : http://christel-assmat-guignen.over-blog.com/2015/10/comment-reagir-quand-un-enfant-tape-ou-mord.html . Bon courage car je sais que c'est une période difficile, mais il est possible de faire quelque chose.

      Supprimer
  3. Bonjour, Merci pour votre article.
    A sa lecture je reconnais la description d'un de mes élèves très violent verbalement et physiquement envers ces camarades, et qui est sans cesse dans la provocation avec les adultes. L'enfant a 5 ans.
    C'est visiblement un enfant "intelligent", sensible. Il ne le montre pas mais je suis sure qu'il souffre de la situation. Je cherche des moyens de l'aider. Je fais preuve d'empathie, mais sans résultats visibles. Auriez vous des pistes/conseils ?
    Merci

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour.
      Est-ce que vous avez déjà essayé d'en parler aux parents en entretien ? Le problème est que si les parents sont également violents avec leur enfant et ne sont pas prêts à se remettre en question dans leur façon de faire, ça va être compliqué pour vous car toute seule, vous ne pouvez pas grand chose malgré toute votre bonne volonté.
      Quand il tape, vous pouvez essayer de mettre en place les méthodes que j'explique ici mais c'est peut être ce que vous avez déjà fait ... http://christel-assmat-guignen.over-blog.com/2015/10/comment-reagir-quand-un-enfant-tape-ou-mord.html
      Si les parents aiment lire, vous pouvez leur conseiller les livres de Catherine Gueguen "Pour une enfance heureuse" ou d'Isabelle Filliozat "J'ai tout essayé". S'ils ne sont pas très lecture, vous pouvez leur suggérer de voir des vidéos de ces mêmes personnes sur youtube.
      Bravo à vous de vous préoccuper de cet enfant. Je vous souhaite bonne chance pour la suite.

      Supprimer
  4. bonjour à tous
    je recherche de l aide quant à la conduite à tenir devant une enfant tyrannique
    Est ce normal qu une fillette de 11 ans exige l exclusivité, dort avec son papa, exige vacances et loisirs solo avec papa, papa obéit...., la petite dort avec papa accompagnée de 12 tétines, s amuse a faire le chat et à le lécher, domine, détruit tout ce qui l entoure, n a pas de copines, se livre à un jeu de séduction avec son père.....à mon grand désarroi. sa scolarité est un chao, maladies imaginaires pour ne pas y aller ........le papa subit un chantage affectif et ne s autorise pas une éducation saine tant il a peur de perdre la garde de sa fille....il y a une prise de pouvoir tel que le couple ce n est plus moi et papa mais le couple c est papa et sa fille je suis anéantie quelles attitudes dois je adopter

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour.
      Vous dites que le papa a peur de perdre la garde de votre fille, êtes-vous séparés ?
      Je pense qu'il a surtout peur de perdre son amour. Il y a sûrement quelque chose dans son histoire à lui qui a du créer cette peur : parents peu aimants, parents absents, parents très distants, voire abandon...
      Pour ce qui est des attitudes que vous pouvez adopter, malheureusement, ce n'est pas vous qui pourrez changer le père de votre fille. C'est à lui de comprendre son attitude présente par rapport à son passé et d'agir en conséquences.
      J'ai déjà parlé de la guérison de l'enfant intérieur dans un de mes articles, mais c'est à lui de faire ce travail. Vous ne pouvez pas le faire à sa place : http://www.christelassmatguignen.com/2016/05/les-emotions-et-les-veo-guerir-son-enfant-interieur.html
      Pour dialoguer avec le père de votre fille, vous pouvez aussi exprimer vos besoins selon le principe de la communication non violente, j'en parle ici : http://www.christelassmatguignen.com/2015/12/alternatives-aux-punitions-exprimer-nos-besoins-et-sentiments.html
      Bon courage à vous.

      Supprimer